À COUPS DE CRAYON
Rédaction & Photos : Naomi Bussaglia
Jeudi 26 septembre, le Creahm envahissait la maison de homeworking “Chez Edmond” dans le quartier de Fragnée. Des peintures, céramiques, gravures et dessins représentaient à eux tous l’équipe de personnes atteintes d’handicaps mentaux qui se sont engagées envers l’association liégeoise. L’expo est visible jusque fin novembre au 51, rue du Vieux Mayeur.
Avec un nom déjà bien connu des organisations de la ville de Liège, le Créahm fera encore plus parler de lui au printemps prochain avec la réouverture du Mad Musée, rebaptisé Trink Hall Museum. Une renaissance — nécessaire — afin d’étendre le champ d’action de cette institution qui compte aujourd’hui environ 2.500 oeuvres. Avec près de 40 ans d’existence, le Créahm s’efforce à faire connaître les talents souvent cachés des personnes handicapées mentales. Avec des ateliers purement artistiques — et non thérapeutiques — hebdomadaires, l’action du Créahm s’inscrit dans la perspective d’un accompagnement global de la personne.
Aujourd’hui, le Créahm expose « Chez Edmond » Homeworking & much more. La maison liégeoise du quartier de Fragnée accueille l’exposition pour fêter sa presque première année d’installation rue du Vieux Mayeur. Isabelle, une des têtes pensantes de l’endroit nous explique la vision qu’elle a eue, en invitant le Créahm. « Lorsqu’on a ouvert, nos deux premières expositions étaient celles d’amis artistes. Notre idée en proposant de telles oeuvres dans notre salon et à l’étage, c’est de mettre en avant autant les artistes locaux que les co-workers installés ici tel que Pierre. » « Chez Edmond » s’inscrit comme une nouvelle adresse à garder à l’oeil, les nombreux étages permettant aux artistes d’exposer un plus grand nombre d’oeuvres.
Sur ses murs, ce sont huit personnes atteintes de différents handicaps mentaux qui exposent actuellement. Héléna Devos, Laura Body, Samuel Cariaux, Michel Petiniot, Alain Meert, Nicole Daiwaille, Patricia Lambinet. Sept noms, sept personnes, sept artistes. Sept parmi les dizaines qui s’entraînent et s’épanouissent depuis des années grâce au travail acharné du Créahm. Sept, qui ont décidé de laisser le monde entrer dans leur bureau de créateur.
Aucun des artistes n’est exposé au jugement, chacun laisse son art s’exprimer à leur place. Le père d’Héléna Devos nous accueille dans la première pièce visitée et nous répète que sa fille avance à son rythme. Ses dessins évoluent comme elle le sent, et elle avec. Il regarde une dernière fois les murs de la pièce avant de descendre boire un dernier verre. « Quelle idée a-t-elle eue de dessiner des éléphants ? » Personne ne le sait sauf Héléna, et c’est très bien comme ça.
Intrigués, on découvre à l’étage les gravures presque cachées de Patricia Lambinet. Elles sont exposées dans les couloirs, sans artifices. Elles mériteraient pourtant des projecteurs alors que le noir de la gravure se mélange à l’ombre des escaliers.
Chaque étage nous entraîne dans un univers différent. Qu’il soit celui coloré de Héléna ou de Alain Meert, ou celui plus sombre mais tout autant intéressant de Michel Petiniot et Patricia Lambinet. On se dépêche de passer d’une pièce à l’autre, à la recherche d’un nouveau coup de coeur à ajouter à la liste. Car des coups de coeur, il y en a, qu’ils soient peints, dessinés, ou sculptés. Les petits pots en céramique de Michel Petiniot colorent chaque pièce, disposés un peu partout dans la maison.
Au travers d’une vidéo qui tourne en boucle au grenier, nous avons un laissez-passer dans les ateliers des artistes. Des plans en face-à-face nous permettent de découvrir l’atmosphère dans laquelle évoluent les dessinateurs, peintres, et graveurs. Une ambiance bruyante, presque « trop vivante » se montre à nous. Nous avons la liberté d’être comme assis face à l’artiste à observer ses méthodes, ce qu’il préfère, ce qu’il n’aime pas. On remarque que beaucoup aiment taquiner Michel Petiniot, alors que celui-ci s’efforce de réclamer un peu de paix pour terminer ses oeuvres. On découvre leurs réactions, dynamiques et tellement expressives, qui nous font sourire naturellement. Alain Meert, entouré de ses peintures, se réjouit d’en avoir finie une de plus.
Lorsque l’on regagne le rez-de-chaussée, le nombre de personnes n’a pas diminué, Isabelle tourne entre les tables avec des pizzas faites maisons, alors que les derniers organisateurs encore présents sirotent une bière pour célébrer la journée. Ils ont raison : voilà un vernissage réussi, et une exposition de plus à voir ce mois-ci.
« Quelle idée a-t-elle eue de dessiner des éléphants ? » Personne ne le sait sauf Héléna, et c’est très bien comme ça.






