LA GRAVURE TRIOMPHANTE
Rédaction & photographies : Naomi Bussaglia
Tous les trois ans, le Prix Dacos est remis à un(e) jeune graveur(se). Cette année, le musée de la Boverie expose les œuvres des candidats du Prix 2017 – alors que le prix était encore biennal – ainsi que celles de la lauréate française Cindy Jugé. L’exposition, mise en scène au rez-de-chaussée du musée propose au visiteur de s’immerger dans une ambiance particulière.
Au-delà des chefs-d’œuvre
Malgré les indications manquantes vers l’exposition du Prix Dacos, c’est à la suite des chefs d’œuvre de la ville de Liège et du musée des Beaux-Arts que nous découvrons la pièce réservée à l’art de la gravure. Une longue salle rassemble les travaux de la vingtaine de jeunes graveurs retenus par le jury pour la seconde édition du Prix Dacos, l’édition 2017. Le visiteur peut alors observer librement les compositions. Après être passé par les tableaux hauts en couleurs de l’exposition des Chefs-d’œuvre, on se laisse transporter dans une dimension principalement en noir et blanc. Une autre ambiance semble prendre le dessus et c’est un sentiment de calme incertain qui marque notre entrée parmi les œuvres. Incertain car face à des photos, des compositions en tissus ou des collages, on apprend à connaître l’artiste caché derrière son art. On remarque la solitude, l’histoire d’une rupture, ou encore la peur elle-même. On est comme face à l’imprévisibilité. Chaque candidat représenté aborde un sujet précis – non imposé –, ou une manière de faire. Cependant c’est plus qu’une technique qui est mise à l’honneur, ce sont de réelles œuvres d’art.
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Exposition du Prix Dacos 2019 au Musée de la Boverie © Naomi Bussaglia[/caption]
Visions suspendues
Parmi les tableaux exposés, on retient bien évidemment les travaux de l’artiste et gagnante du prix, Cindy Jugé. Réparties en huit tableaux, ses deux œuvres présentes marquent l’occasion pour cette jeune artiste de 27 ans d’être reconnue sur la scène internationale. Le prix Dacos ne se limite à aucun continent et invite tous les graveurs de moins de 30 ans à tenter leur chance. Tous les graveurs, ça signifie aussi que le prix ne se limite pas à un seul type de gravure : l’estampe, mais aussi les manières plus « expérimentalistes » sont acceptées. Ainsi, on retrouve des compositions suspendues au plafond bas de la pièce, comme on retrouve des tableaux ressemblant de très près à des bandes dessinées.
Les tableaux de
Cindy Jugé, affichés tels des photographies, permettent à la lauréate de recevoir les félicitations qui lui sont dues. On prend tout de même le temps de reconnaître le travail des autres candidats mis à l’honneur. On tombe d’ailleurs sous le charme de
Grace Sippy (USA) qui, à l’aide des trois impressions de sa série « Flux », invite le spectateur à plonger dans un état à la limite du psychotique. On admire les trente autoportraits de Sylvain Konyali (France), exposés un à la suite de l’autre, recommandant au spectateur de prêter attention aux différences marquées parfois dans la manière de se représenter, précise ou non, parfois dans ses expressions.
On se tient comme percuté par toutes les émotions et tous les ressentis se trouvant dans cette salle. L’atmosphère change doucement lorsque l’on quitte les travaux noir et blanc de la plupart des candidats pour se diriger vers ceux, plus colorés, mais tout aussi forts de
Babé. Le français présente sa série « Morsure 01 à 09 » sous forme de collages et d’impressions typographiques. Son message simple met en lumière les gros titres de certains magazines et journaux. On pourrait presque qualifier ses œuvres de « vérités qui dérangent ».
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Autoportraits de Sylvain Konyali, candidat au Prix Dacos 2019 © Naomi Bussaglia[/caption]
Le premier Dacos
On sort de l’exposition un peu plus calme, un peu plus intéressé, mais surtout, un peu plus éduqué. La gravure, et principalement la gravure d’estampe, reste un art peu documenté. C’est une des raisons d’être du Prix Dacos : donner leur chance aux jeunes graveurs d’être reconnus.
Mais le prix, avant d’être exposé parmi les plus belles œuvres que la ville de Liège possède, se rapporte à l’histoire d’un seul homme. Guy-Henri Dacos était un graveur liégeois, mais pas seulement. Il enseigna cet art à plusieurs générations de graveurs, alors qu’il était déjà connu sur la scène internationale. Très investi dans le monde de l’art – sans limite à la gravure – il nous quitte en 2012 alors âgé de 71 ans. Trois ans plus tard, la ville de Liège se joint à la famille Dacos afin de récompenser les graveurs de moins de trente ans. Une manière de les encourager oui, mais surtout d’honorer la mémoire d’un artiste qui aura passé sa vie à croire en les générations plus jeunes.