L'IMPUDIQUE POUR CULBUTER LA NORME
Rédaction : Gwenaëlle Di Piazza
Lisette Lombé, artiste belgo-congolaise revendiquée queer et afroféministe, sort ce vendredi 14 février son premier roman. Venus Poetica, des éditions de l’Arbre à paroles, questionne la construction de la sexualité. Mais encore, sa mise en place de l’enfance à l’âge adulte, de la norme hétérosexuelle à l’exploration de soi.
Effrontée
« A chaque fois que les lignes ont bougé sur les questions de normes, c’est parce que quelqu’un a osé être impudique. »
Impudique, voilà un terme qui va bien à Lisette Lombé. Serait-ce de la provocation ? Le simple plaisir de troubler vos sens ? Par amour de coucher sur papier des désirs inavoués ? Elle en serait tentée ! Pourtant, le combat mené est avant tout politique et social. Artiste sans langue de bois, elle aime jouer avec les codes pour titiller les limites imposées par la société et faire gamberger son public !
« Comment cette norme hétérosexuelle où l’on rencontre le sexe opposé, on se marie et on fait des enfants se met en place ? Pourquoi prenons-nous tant de temps à remettre en cause ce processus ? »
Lisette Lombé met le doigt sur un sujet important. Pas seulement pour les jeunes filles ou les femmes qui se reconnaîtront plus facilement dans ce roman mais pour tout un chacun. Les normes encerclent nos vies tout au long de notre évolution.
Ainsi, « Comment autorise-t-on la génération d’après à SE vivre bien ? »
Bien que faisant appel à des souvenirs propres à l’auteure, Venus Poetica n’en reste pas moins une fiction dont les histoires ont été écrites pour questionner et bousculer cette norme. Lisette Lombé nous revient donc avec ce premier roman, après avoir écrit deux recueils de textes, poésies et collages (La magie du burn-out et Black Words). Autofiction, il est un assemblage de fragments de souvenirs retravaillés au travers du prisme d’un personnage diablement humain. Evoluant dans son rapport à l’autre, à sa sexualité, à son désir, à la société, à lui-même. Cette suite d’histoires illustre la construction d’une sexualité où l’impact des caractères sociaux, éducatifs et culturels est habilement mis en lumière. Nous ouvrant les yeux sur nos interprétations – parfois hâtives - des comportements humains.
Un « joyeux micro ouvert »
Né en 2016, Venus Poetica est le résultat de l’exploration des thématiques abordées dans Black Words. Présentée en 2015, cette création questionne « les stéréotypes liés aux corps et aux sexualités des femmes noires ». Sa volonté d’explorer l’amènera vers le monde du cabaret où elle parfait sa méthode et s’initie à d’autres problématiques liées à la sexualité comme les questions de genre ou d’orientation.
Sans surprise, Venus Poetica se matérialise d’abord en un « joyeux micro ouvert ». À cette occasion, Lisette Lombé décide de s’associer avec Louise Emö, comédienne, et Winnie Pelteez, performeuse burlesque. Avec pour résultat l’élaboration d’une représentation inspirée des Naked Girls Reading américaines, concept mélangeant l’intellectuel au sexuel et à la passion de la lecture. Concrètement, c’est un club de lecture où des femmes nues lisent ou déclament sur scène des textes féministes, libertins, impudiques ou encore enfantins. Loin d’être pervers, cette idée tente d’ouvrir les esprits en faisant tomber les barrières de l’intime et les tabous liés aux corps.
La nudité frappe l’œil, les paroles frappent l’esprit.
S’animer
Avec Venus Poetica, Lisette Lombé se veut plus percutante. Son écriture, certes plus dilatée et nuancée que dans ces précédents ouvrages, n’est plus la seule voie par laquelle elle veut toucher le public. Donner vie à son projet, voilà la nouvelle aventure à laquelle elle veut se laisser aller.
Grâce à ses explorations dans le monde du cabaret, elle a compris l’importance de la mise en scène. « Que se passe-t-il si tu déclames tes textes slam en te dénudant un peu ? » Ce changement de cadre interroge le regard. Finalement, rien n’est laissé au hasard. « Un corps métissé, de mère de famille reste formaté, beau. Il n’est pas hors norme. Ça ne vient rien questionner. Le texte slam vient recréer une narration. » Invitée au cabaret caritatif en l’honneur de la lutte contre le SIDA en novembre 2019, Lisette Lombé a saisi l’opportunité pour donner vie à son projet. Une prestation claquante qui nous envoie un « Prend-le et accepte-le ! »