VOIX DE FEMMES #15, ÉPISODE UN : NOT TODAY, PATRIARCHY !
Une chronique de Cécile Botton, Naomi Bussaglia & Morgane Perez-Lucena
Illustrations © Mathilde Manka
Démarrage en force pour l'édition 2021 du Festival Voix de Femmes ! Carte blanche à Rebecca Ann Rosen, la quadruple exposition « Héritières » présente les dialogues entre les oeuvres de PATU et B. Carrot, Alix Garin et Sophie Ung, Noémie Marsily et Julie Delporte, Séraphine et Rebecca Ann Rosen. Côté concert, la multi-instrumentiste palestinenne Christine Zayed a envoûté le public du Kultur.A. Récits croisés de nos rédactrices quatremilliennes.
« Héritières » — B. Carrot & PATU
Naomi Bussaglia
Logée dans les rues cachées du quartier de Palais, la librairie Entre-Temps accueille les deux artistes B. Carrot et PATU.
Parmi les étagères croulantes de livres engagés, on se rend compte assez rapidement, si on ne connaissait pas déjà l’endroit, qu’on entre ici dans un lieu propice à la réflexion. Sans surprise, la pièce réservée à l’exposition s’accorde avec le restant de la librairie, livres sur le féminisme exposés, dialogues engagés tout autour de nous... on lève les yeux et découvre là les œuvres exposées.
Un langage se dessine entre les deux artistes, discours politiques lancés, c’est au tour de l’art de nous parler. Et même si seulement deux artistes sont exposées, on a l’impression d’écouter le discours de dizaines de femmes. Les œuvres de la bédéiste B. Carrot les unes sur les autres, celles de PATU accrochées fièrement en hauteur, on se sent bien chez Barricade.
On a envie de prendre un verre avec les gens de tous styles qui observent les œuvres, et de gueuler « Not today patriarchy ! » comme le dit si bien B. Carrot. Chaque parcelle de mur est recouverte, chaque parcelle appelle les regards, on sort de là avec trois œuvres de côté, et une férocité dans le regard.
Exposition accessible jusqu'au 30 octobre. Ouverture du lundi au samedi entre 11:00 et 18:00, chez Livre aux Trésors : 27A Place Xavier Neujean, 4000 Liège. |
« Héritières » — Julie Delporte & Noémie Marsily
Morgane Perez Lucena
La librairie « Livre aux Trésors » accueille, elle, les héritières Julie Delporte et Noémie Marsily durant toute la durée du festival. Deux amatrices de fanzine aux esthétiques très compatibles.
J. Delporte nous vient tout droit de Montréal. Son art rappelle l’innocence de l’enfance avec des écritures et des tracés au marqueur. Il allie toutefois des messages forts, par exemple, le sujet des femmes béguines. Ce contraste s’aligne avec son engagement féministe dans la vie de tous les jours.
Noémie Marsily, autrice belge multidisciplinaire, nous propose des œuvres tout aussi colorées et touchantes. On retrouve beaucoup de peintures de corps de femmes de toutes formes et textures. Ces tableaux mettent en avant la beauté de la diversité et de la simplicité des choses qui nous entourent.
« Héritières » — Sophie Ung & Alix Garin
Naomi Bussaglia
Une traversée de la ville plus tard, c’est à la librairie la Grande Ourse qu’on se retrouve pour découvrir le travail de Sophie Ung et Alix Garin.
Les couleurs nous sautent au visage lorsque l’on passe la porte, et ça change de l’obscurité du quartier Saint-Léonard à 19h en octobre. Un temps d’adaptation à l’ambiance de l’intérieur, et on ne voit plus que les œuvres de Sophie Ung. Illustrations aux milliers de facettes, milliers de couleurs et de motifs, l’artiste nous fait voyager parmi les cultures qu’elle désire représenter. La pièce spacieuse laisse l’espace aux œuvres. Les livres rangés sur des étagères épurées appellent le regard à se détacher des distractions...
Jusqu’à ce qu’une enfant coure auprès de nous et nous mène dans la seconde partie de l’expo. Ici, bien qu’auprès de la terrasse mouvementée sur laquelle les gens célèbrent le vernissage, on ressent un calme immédiat. Les murs blancs sont recouverts des pages de la BD « Ne m’oublie pas » de Alix Garin.
Les affiches font référence à la relation d’une jeune femme et de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Les moments repris sur les pages exposées sont tellement attendrissants qu’on se presse d’un mur à l’autre pour en découvrir la suite. Un silence un peu trop bruyant s’installe en nous, une larme au coin de l'œil, on sourit en lisant certaines lignes de l’artiste. « En apprendre plus sur ses propres failles au travers de celles des autres. » C’est ce que Alix désire nous communiquer au travers de cet ouvrage, la relation que l’on a envers nos corps, notre âge, notre famille. L’ascenseur émotionnel, on adore.
Exposition accessible jusqu'au 30 octobre, à la Galerie Rature (KulturA) : 13 Rue Roture, 4020 Liège. Ouverture : les mercredis de 14:00 à 18:00 ; les vendredis de 17:00 à 21:00 ; les samedis de 14:00 à 18:00 ; le 17 octobre de 16:00 à 20:00 ; le 26 octobre de 17:00 à 20:00. |
« Héritières » — Séraphine & Rebecca Ann Rosen
Morgane Perez Lucena
Dans la Galerie Rature du KulturA, vous retrouverez exposés les travaux de Rebecca Ann Rosen et Séraphine. Elles sont toutes deux familières au monde de la BD et de l’illustration. Deux styles éloignés qui se rejoignent sur une poétique similaire.
R. A. Rosen fait en 2018 un travail de recherche historique sur le pouvoir des femmes. Elle l’illustre en partie avec un scrapbooking d’extraits de textes et d’illustrations d’époque.
Un projet plus récent raconte en BD l’histoire de Mayken, une illustratrice talentueuse cachée derrière le nom de son mari. On place le décor dans le 16ème siècle, mais on dénonce une réalité du 21ème : des femmes sous l’ombre, encore et toujours, d’un homme.
Séraphine, quant à elle, nous propose un travail fin et précis. On retrouve notamment des croquis de femmes au crayon portant des vêtements d’époque. Toute son œuvre met en avant l’image de la femme avec délicatesse et surtout, avec force. Son art rappelle la fantaisie et la rêverie.
Christine Zayed envoûte le KulturA
Cécile Botton
Ce dimanche 17 octobre, le KulturA a laissé une part belle à la musique. Après une après-midi où les petits furent emportés par les berceuses traditionnelles d’Electric Doudou, les plus grands furent envoûtés par la musique de Christine Zayed.
Issue d’une famille mélomane de Palestine, Christine Zayed est initiée dès son plus jeune âge à la musique arabe classique et contemporaine, ainsi qu’à la musique traditionnelle palestinienne. Ce dimanche, c’est accompagnée de son qanoun qu’elle est venue nous présenter un astucieux mélange de compositions personnelles et de musique traditionnelle arabe. Les premières notes de son qanoun, cet instrument à cordes pincées de la famille des cithares sur table, eurent le don d’hypnotiser le public. Ce dernier, assis par terre, a suivi les quatre tableaux de la soirée dans un silence religieux. Lors de la présentation du troisième, elle interpelle le public : « ça va ? » Directement, une réponse fuse : « On est envouté ! » Tout est dit... Emmené sur une autre planète, chacun voyage au rythme des notes cristallines du qanoun et de la voix suave de l’artiste.
Ce moment hors temps fut clôturé abruptement par un chant traditionnel réservé aux prisonniers palestiniens. Un morceau auquel on a ajouté plein de « L », afin de le laisser incompréhensible pour les gardiens. Bien joué, car nous n’ont plus n’avions pas compris qu’il s’agissait de la fin du voyage et malgré les applaudissements insistants du public, la belle s’en est allée ! C’est ainsi que nous émergeâmes avec un goût de trop peu… Cinquante minutes, c’était bien trop court ! On aurait aimé aller au bout de cette nuit étoilée !
Pour cette 15ème édition du Festival Voix de Femmes, Quatremille collabore avec l'illustratrice Mathilde Manka ! L'artiste liégeoise a assisté au concert de Christine Zayed au KulturA et nous livre son ressenti en images :
Découvrez le programme du Festival Voix de Femmes #15 : Dis/continuer !