UN P’TIT TOUR DU CÔTÉ DES SCÈNES OUVERTES : LA CASA NICARAGUA
Rédaction : Julie Bernardi & Cécile Botton / Photos : Yves Verbeelen & Noémie Lambert
Le 12 décembre dernier, Quatremille a poussé la porte de la Casa Nicaragua à l’occasion du « Lab’Oratoire ». Situé en Pierreuse, ce lieu fait la part belle aux projets alternatifs. Rencontre avec M’sieur 13, passionné des mots, Ludo Bastille, animateur de 48FM et Odette Goffard, une des fondatrices de la Casa.
C’est par un dimanche pluvieux que j’ai poussé la porte de la Casa Nicaragua où j’avais rendez-vous avec Yves Verbeelen alias M’sieur 13. Les amoureux des mots ont pour habitude de se retrouver ici chaque deuxième dimanche du mois pour une scène ouverte appelée Lab'Oratoire. Alors que les bénévoles s’activent pour préparer la salle, les premiers participants arrivent pour s'inscrire. « C’est vraiment démocratique… Il y a des gens qui peuvent venir juste écouter de la poésie et puis se réchauffer » raconte, M’sieur 13, poète et « artisan chansonnier ». Bien vite une ambiance chaleureuse emplit cet espace où slam et anaphorismes se succèdent dans un esprit bienveillant. Lors de l’entracte, c’est autour d’une soupe poétique que je poursuis ma discussion avec Yves. « Le Lab’Oratoire, c'est une idée de l'Homme Chouette, Michaël Lambert, que j'ai rencontré à La Zone et qui a eu cette idée de créer un autre espace de scènes ouvertes plus axé sur la poésie au sens large du terme qu’est le slam. »
La Slamerie
À l’origine, le Lab’Oratoire s’appelait la Slamerie et se déroulait au KulturA. « Un jour, Michaël Lambert m’a contacté pour que je vienne voir le collectif et m’a demandé si je voulais en faire partie. » Intéressé, M’sieur 13 assiste à quelques scènes. Et lorsque la Slamerie déménage à l’An Vert, il s’investit dans la création d’une affiche et rejoint le collectif. « J'ai commencé à réaliser les visuels des différentes scènes, c’était il y a cinq ou six ans d’ici. » Photographe de formation, Yves Verbeelen prend des photos, crée des visuels et gère les réseaux sociaux « C’était intéressant pour moi… d’ailleurs, dans le collectif, chacun a son rôle à jouer que ce soit pour la préparation, la mise en place ou même le jour J. »
Sur les ondes de 48FM
« Ça fait pas mal d’années que je travaille sur 48FM avec François Laurent, l’Ami Terrien. Nous sommes très proches » explique Ludo Bastille. Lorsque que François devient coordinateur de la scène slam de la Zone, les deux amis commencent à tisser des liens entre les scènes slam et la radio. « À l’époque, on enregistrait juste certains évènements de la Zone, comme les 24h de slam ou certaines scènes ouvertes, et on les rediffusait sur 48 FM. » se rappelle Ludo. « On n’est pas là pour faire de la publicité pour les gros événements mais bien pour parler du reste ! »
En route vers la Casa Nicaragua
Après quelques temps, le collectif cherche un lieu un peu plus éloigné de la Zone afin de pouvoir rassembler un public plus large qui aurait éventuellement pu fréquenter la Zone également. « Il se fait que Ludo était en contact avec la Casa, et c’est tout naturellement qu’on s’y est posés ! » explique Yves.
Depuis qu’ils sont à la Casa, chaque scène est enregistrée et retransmise sur 48 FM. « Retransmettre en radio pour tous ceux qui ne sont pas là, qui ne profitent pas physiquement de ce moment-là et aussi pour amener un petit peu plus de culture, de littérature, de poésie à l'antenne car je me sens bien impliqué en tant qu’animateur et défenseur de la culture liégeoise » enchaine Ludo. Disposant du matériel et de la technique, ils en profitent pour ouvrir une scène spoken word, la première de Liège. Et donc poursuit Yves, « Le Lab’Oratoire est né lors d’une réunion… J’aimais bien la Slamerie, mais comme on voulait élargir le truc… Il y a eu plein de propositions, pour finir, on a retenu une des miennes, le Lab’Oratoire ! »
La pause terminée, il est déjà temps de regagner nos places pour la deuxième partie consacrée au spoken word, du slam avec un support musical. L’occasion de se laisser porter par les mots valsant au son des notes...
La naissance de la Casa Nicaragua
En 1979, le régime dictatorial du Nicaragua est renversé et remplacé par un gouvernement très progressiste pour l’époque. C’est via une association belgo-latine qu’Odette Goffard, cofondatrice de la Casa, se rend sur place pour constater la volonté profonde qu’avaient les Nicaraguayens d’être de véritables acteurs du changement : certains creusaient eux-mêmes leurs égouts, d’autres construisaient l’école maternelle du coin…
De retour en Belgique, elle a la volonté de soutenir financièrement ce pays. Les fêtes organisées à cette fin sont bien vite remplacées par les repas cuisinés par Michèle Verfaille, une bonne amie d’Odette, avec qui elle a cofondé la Casa. Ces repas sont servis en Pierreuse dans la maison d’Odette qui est peu à peu transformée en maison d’hôte. Suite au tremblement de terre de 1983, Germain Dufour, animateur du quartier luttant contre la destruction du bas de la rue Pierreuse, donne les clefs du numéro 23 à Odette et Michèle et leur demande de mettre des affiches aux fenêtres afin de redonner un peu de vie au bâtiment.
En 1985, à l’occasion de la visite à l’association de Sergio Ramirez, ancien vice-président du Nicaragua, elles écrivent sur la façade du 23 « Casa Nicaragua ». C’est donc de là que vient ce nom si familier aux Liégeois. Grâce aux vagues de bénévoles qui s’y sont succédés pour la rénover, la Casa a évité la démolition et tient toujours debout !
Dans les années 90, l’association achete la maison adjacente afin de gagner de l’espace intérieur mais surtout extérieur. De la cave au grenier, il a fallu dix ans de rénovation pour rendre ces deux maisons à nouveau habitables. Elles abritent à présent de nombreuses pièces : réserve, salle de concert, salle de restauration, salle de réunion, etc. Le reste des espaces est occupé par d’autres associations : le Collectif Imagine au premier étage, la Ceinture Alimentaire au deuxième, l’association Arc-En-Ciel dans la maison adjacente, et le Lab’Oratoire.
Les projets soutenus par la Casa continuent au Nicaragua
La Casa Nicaragua décide d’investir pour soutenir le gouvernement sandiniste des années 80. Au départ, en collaboration avec l’ONG Unicam, la Casa soutient l’autosuffisance alimentaire en aidant les paysans à développer une culture variée sur leurs terres et à réintroduire la culture organica (bio). En effet, pendant les années de dictature, les paysans nicaraguayens en furent dépouillés et obligés de travailler comme esclaves dans la monoculture. Même si cette ONG a disparu, la Casa Nicaragua poursuit le financement de projets tels qu’une coopérative de petits producteurs dans la montagne et des bourses d’étude pour les enfants de producteurs.