VENLO : SANG FROID, LOVE, N.
Rédaction : Romain Dejardin // Photos : Juliette Reip
François Lovens alias Venlo est revenu cette année avec N., un LP de 13 titres plus intime concluant la trilogie introduite par l’EP Sang Froid. Quatremille a reçu le Liégeois au Kultura pour une discussion autour de sa carrière et de son œuvre.
Si vous modifiez quelques lettres à « François Lovens », vous obtenez les noms des trois albums de Venlo, son alter ego musical. Ces projets ont été pensés dans le cadre d’un triptyque nous faisant voguer d’une émotion à l’autre mais toujours au sein d’un même univers. Sang Froid, premier EP sorti en mai 2018 représente bien le rappeur et l’ambiguïté de ses sentiments, notamment grâce aux compositions de Dee Eye mais aussi bien sûr aux textes et au flow de Venlo. « Sang froid, Love, N. c’est une contrepèterie de mon nom François Lovens. En gros c’est une rime avec les lettres qui changent » confie l’artiste. « Je l’avais déjà décidé avant mais je ne l’avais pas expliqué donc c’est normal que les gens ne comprennent pas. J’avais trouvé Sang froid et je trouvais ça stylé comme premier nom de projet car ça me ressemblait bien et puis j’ai trouvé la suite. C’est un peu les deux extrêmes entre lesquels je suis, et Sang froid c’est un peu plus qui je suis. »
« Reflet », premier titre de Sang Froid qui a permis à Venlo de se faire connaître d’un plus large public, introduit efficacement l’univers particulier de l’auteur. Un univers qui lui est propre et qui le dévoile si on sait où regarder. Un titre mélodieux et envoûtant porté par un refrain et une line : « pété dans le tro-mé, je regarde les gens droit dans le reflet. » « Cette phrase signifie plusieurs choses » commente le rappeur. « Déjà le fait de se sentir extérieur par rapport aux autres gens. Il y a aussi des fois où je me sens extérieur par rapport à certaines pensées. Dans le titre "Fuck” avec Abso, je dis “Je suis extérieur au monde extérieur” et c’est ça que ça veut dire. Parfois tu te sens isolé dans la masse, c’est ça que ça veut dire philosophiquement. J’ai toujours été comme ça. Je suis réservé à la base et j’ai choisi de faire du son pour me dé-réserver. »
Venlo rappe ses sentiments avec sincérité et ambivalence. Et si le Liégeois est (naturellement) ambigu dans ses émotions, il l’est également dans son rapport au succès. « On ne va pas se mentir quand tu commences à faire du son de manière organisée, des clips, des concerts c’est pas juste pour montrer à tes potes. T’as envie de faire des vues et des plus gros concerts » développe Venlo. « Mon rapport au succès c’est que je n'ai pas envie de m’adapter pour avoir du succès, c’est plutôt que mon truc ait du succès. J’ai pas envie de faire les trucs qu’il faut faire pour percer, j’ai envie de faire ce que j’ai envie de faire et sans m’adapter. » Comprenons que Venlo continuera de faire la musique qu’il aime avant tout et que son univers n’a pas fini son expansion.
Si Venlo en est là où il est aujourd’hui, c’est aussi grâce à une équipe soudée et fidèle : The New Faces, un label fraîchement créé regroupant des rappeurs et un beatmaker. « Le label TNF c’est juste des potes qui s’organisent, on était déjà la même équipe quand on n'avait pas de label. On essaye de se professionnaliser en faisant un label mais le truc c’est qu’on est d’abord des amis. Les gens qui font du son vont être plus mis en avant que les managers ou ceux qui organisent les clips mais en fait c’est un truc d’équipe avec un but commun : arriver à se démarquer et à faire des trucs bien. » Venlo compose chez The New Faces aux côtés notamment de Dee Eye et d’Absolem. Dee Eye, beatmaker belge certifié or, a entièrement produit les trois projets de Venlo. Il s’est notamment fait connaître en bossant avec Roméo Elvis ou encore Caba & JJ qui ont tous trois validé Venlo d’une manière ou d’une autre. On peut retrouver Jeanjass sur le track « MMTMPS » issu de l'EP Love et Caballero sur « Regarde » track n°4 de N. Absolem, rappeur liégeois se lançant dans une carrière solo (« Toxcity » 1 & 2 à découvrir d’urgence), a accepté de nous parler de son acolyte et ami de longue date.
Comment François est-il dans la vie de tous les jours ?
Absolem : Si je dois le résumer en quelques mots, ce qui n’est pas facile, je dirais que Venlo est l’incarnation du rêveur, captivé par les choses qui le passionnent (la musique, ses amis, le foot…) et laissant les autres choses « flotter ». Il est très peu sensible à la pression que la société actuelle nous met sur les épaules, ce qui pour moi est une qualité.
Comment perçois-tu son développement artistique ?
A. : On a presque commencé le rap ensemble donc j’ai vu son évolution de près. Plus le temps passe et plus je le vois se défaire des règles et des normes du rap pour se rapprocher d’une musique qui lui ressemble. Il est motivé par la liberté de création et les chemins peu communs. Mais si jamais on veut rapper dur, je sais que Venlo peut répondre présent sans problèmes !
Comment décrirais-tu la musique de Venlo ?
A. : Au niveau des paroles, sa musique appelle au rêve, à la liberté de penser et à l’humilité en passant par d’autres émotions fortes. Quant à son interprétation vocale, je la trouve très intuitive et perspicace, il rentre facilement en osmose avec beaucoup de types d’instrus. On sent directement sa passion pour la musique en général, la preuve est qu’il apprend la guitare tout seul depuis peu et il progresse très vite !
Peux-tu nous raconter une anecdote à propos de Venlo ?
A. : J’en ai énormément à raconter sur lui mais je vais rester dans le domaine de la musique (rires) ! Lors de nos concerts à deux, on avait l’habitude d’aller dans la foule pour le dernier morceau… Et un soir sans me voir il m’a mis un coup de coude dans mon micro et m’a cassé une dent ! Sans rancunes, le moment en valait la peine !
Comment l’as-tu rencontré ?
A. : On se connaît depuis plus ou moins huit ans, il avait 18 ans quand on s’est rencontrés. D’ailleurs, c’était le jour de son anniversaire ! Je l’ai rencontré place des Carmes et on a
directement matché, ce soir là il y a beaucoup de freestyles et beaucoup trop d’alcool ! À partir de ce jour là, Venlo, Sly et moi-même sommes devenus un méga trio, on a fait les 400 coups
ensemble ! (ou plutôt 4000)
En quoi Venlo peut-il être détestable ?
A. : Il est trop fort ce con, il s’en rend même pas compte ! À chaque fois qu’on fait un morceau ensemble il est inspiré et il écrit en un claquement de doigts… et après il me fait un petit sourire genre “ouais j’ai fait un petit truc là regarde” et c’est trop lourd. Avis aux autres ! Si vous faites une session avec le VEN, soyez prêts !
À l’heure actuelle. Venlo est toujours en quête de lui-même. En témoigne son titre « Loin de moi » issu de N. dans lequel il dit « Loin de moi l’idée d’être loin de toi mais je suis même loin de moi. » « Je pense que ça fait partie de ma personnalité, je me chercherai toujours. » confie-t-il. « Je tiens à m’améliorer et je suis toujours en recherche que ce soit à propos de ma musique ou de tout en fait, c’est un peu une philosophie. » Guidé par un certain perfectionnisme et une volonté de se remettre en question, Venlo a encore la possibilité d’innover et de nous surprendre. La conclusion du triptyque est l’occasion pour lui de se réinventer et de repartir sur quelque chose de nouveau. Mais de quoi s’agira-t-il ? En attendant, laissez vous emporter par le mélodieux N. disponible sur les plateformes de streaming et illustré par le très beau clip du titre « Faut que ».